Venue de Virginie Linhart
le 11 mars 2014
Virginie Linhart est écrivain et documentariste.
Comme elle le dit elle-même dans "le jour où mon père s'est tu" (p.21) , elle réalise des documentaires pour la plupart politiques et historiques.
La politique et l'histoire sont ses deux domaines de prédilection car ils renvoient tous deux à son histoire personnelle : celle de ses parents, militants révolutionnaires en 68 et celle de ses grands-parents paternels (Jacob Linhart et Masza Finkelstein), survivants de la Shoah.
Son travail s'apparente à un travail de mémoire famiale, et ces enquêtes à des "quêtes" (p.94 "Le jour où mon père s'est tu")
Ses livres sont tous parus au Seuil : "Volontaires pour l'usine : Vies d'établis 1967-1977 ", en 1994 ; "Le jour où mon père s'est tu" , en 2008 ; "La vie après" en 2012.
Les deux premiers titres évoquent la figure du père, Robert Linhart. Normalien, chef maoiste, proche d'Althusser, il fut le fondateur de "L'Union des jeunesses communistes marxistes léninistes" (dite UJC) mouvement pro-chinois, qui recommandait le travail en usine (de cette expérience, Robert Linhart a publié, en 1978, "l'Etabli").
Le livre "Le jour où mon père s'est tu", au-delà de l'hommage rendu à son père est également une interrogation sur le devenir de ces enfants de militants de 68.
Le troisième titre enquête sur les survivants de la Shoah, leur retour à la vie "normale".
Tous ces thèmes sont habités par le poids du silence. Silence du père, devenu mutique en 1981pendant de longues années, après avoir été un brillant orateur. Silence des enfants de 68, sur les blessures engendrées par la vie militante radicale de leurs parents, entièrement dévoués à la cause politique, au détriment de la vie familiale.
Silence de ses grands-parents, survivants de la Shoah
Silence donc familial, silence également de l'Histoire ou face à l'Histoire révélé dans ses documentaires : le silence des alliés face à la Shoah (comme l'atteste le documentaire réalisé en 2012 "Ce que les alliés savaient de la Shoah" ), celui des survivants face à la Shoah ("La vie après",en 2009).
Questions introductives :
Etre documentariste, est-ce une manière de militer sans faire de la politique ?
Pourquoi avoir écrit un livre "La vie après" (en 2012) après avoir réalisé un documentaire sur le même sujet (en 2009)?
Compte rendu de la rencontre
Intervention de Virginie Linhart
Intérêt pour l'époque 68 car une époque déterminante pour notre société (droits des femmes, droits sur la sexualité...)
Tous ces droits viennent de luttes
Intérêt pour l'Histoire afin de mieux comprendre la société actuelle et non pour ressasser le passé.
Etudes longues (Science Po, doctorat de Sciences Politiques) carVirginie Linhart ne savait pas trop quoi faire.
A 21 ans , à l'âge où son père s'est engagé dans la vie militante, elle travaille sur cette période de luttes révolutionnaires, qui la fascine. Elle devient l'assistante historique de Patrick Rotman pour "les brûlures de l'histoire" , "tombe en amour pour les archives"
Chemin un peu tortueux mais volonté de montrer par des images ce que l'on veut dire .
Le facteur chance est aussi important. Nécessité d'être curieux.
Le producteur dans son métier a un rôle important car c'est lui qui présente le projet du réalisateur aux chaînes
Du livre "le jour où mon père s'est tu " est né un documentaire "68, mes parents et moi" (car tous les entretiens du livre furent filmés)
Documentaire sur "la vie après" , quand les survivants reviennent dans une France qui les a trahis , dénoncés et spoliés
Dans ce documentaire , pas de voix off. La parole des rescapés était trop forte. Besoin de faire un livre pour introduire des commentaires personnels. Possibilité de mettre ce qui n'a pas été mis dans le documentaire. Davantage de liberté accordée.
Mise en scène importante dans l'auto-documentaire.
Son" tropisme ", son obsession est le silence. Lien fait entre le silence du père et le silence des grands-parents.
Actuellement Virginie Linhart travaille à un nouveau projet : l'Université de Vincennes, en 69. Pôle intellectuel important rasé en 1980.
1ere question : pas de traitement sur l'actualité ?
Pas de sujets sur l'actualité véritable mais sur l'Histoire. L'intérêt est de mieux comprendre le présent (exemple comprenhensions de la guerre de Sarajevo qui permet d'expliquer la non intervention actuelle en Syrie)
2e question: Opinions du père partagées ?
Non ne partage pas mais ne juge pas
3e question : Pas de travail sur l'histoire avant le 20e siècle ?
Pas d'images d'archives
4e question : Où trouver les images d'archives ?
L'Ina
Problème du coût : 1000 euros pour une minute d'archive
Solution : Les producteurs achètent les droits des archives pendant un temps
5e question : Documentaire : Réflexion sur l'image ?
Archives papier "déclassifiées" rendues publiques.
Père écrivain : Héritage écrasant. Volonté de se démarquer en faisant des documentaires.
La question essentielle qui demeure "Le savoir permet-il d'agir" ?
6e question : travail d'équipe ?
Oui Pour le documentaire " Ce que les alliés savaient", conseiller historique : Henri Rousso
Mais travail toujours très personnel (ex: Choix de la musique)
7e question : Réaction des frères et des soeurs ?
Tous créateurs , ils vont tous bien !